L’arrivée du digital bouleverse en profondeur la structure même de nos entreprises. C’est un fait reconnu. Pourtant, après toutes les publications sur le sujet, les bonnes pratiques et les discours, nous gardons une impression d’inachevé, l’impression que nous n’y sommes pas encore arrivés, que la transformation digitale n’est pas acquise. Comment inverser la tendance ? Que pouvons-nous dire qui n’a pas été déjà dit ?

Pour mieux comprendre la transformation digitale, notre expert Thibaut Le Masne vous propose de la regarder sous un angle légèrement différent.

Les 3 piliers de l’entreprise

Avant toute chose, il convient de définir les grandes parties qui qualifient, ou du moins représentent, ce qu’est une entreprise.

On considère que la grande majorité des entreprises sont construites autour de trois piliers :

• Le business. Ce qui semble être le principe même de toute entreprise : gagner de l’argent.
• La technique. Il faut bien, encore plus aujourd’hui, un socle technique sur lequel toute entreprise doit s’appuyer.
• L’humain. Sans femmes et sans hommes, nous sommes tous d’accord pour dire qu’une entreprise ne peut fonctionner.

En y regardant de plus près, l’arrivée du digital a complètement bouleversé ces piliers :

• Au niveau business, par exemple, nous voyons arriver de nouveaux acteurs qui deviennent, en un temps record, des incontournables : Airbnb, Google, Uber, etc.
• Au niveau technique, le cloud, l’Intelligence artificielle, les ordinateurs quantiques ou encore les IoT sont quelques exemples des nouvelles techniques qui bouleversent nos vies quotidiennes.
• Au niveau humain, enfin, l’émergence de nouveaux postes, de nouvelles méthodes, la démocratisation du télétravail, etc. sont autant d’éléments qui viennent bousculer notre mode de fonctionnement.

 Comment s’articulent ces trois piliers ? Comment expliquer, dans ce contexte, pourquoi il est encore difficile de réussir une transformation digitale ? Quels éléments pouvons-nous améliorer ?

Le principe systémique : un changement en profondeur

Commençons notre réflexion par les piliers que nous venons d’évoquer. Le principe même d’un pilier est de s’autosatisfaire, il n’a besoin que de lui pour exister, et, lorsqu’il est associé à d’autres, il permet de garantir la stabilité de ce qu’on pose dessus (en l’occurrence, ici, l’entreprise). Malgré cela, lorsqu’une démarche de transformation digitale est lancée, une scission s’opère, deux écoles se forment.

L’école du « tout business », d’une part, qui considère que la transformation digitale passe d’abord par le métier. L’objectif est d’identifier des « cas » métiers pouvant avoir un impact dans le business au quotidien et dont la rentabilité est précisément mesurée. Populaire entre 2016 et 2020, cette école semble en perte de vitesse aujourd’hui au profit de l’école du « tout technique ». Cette seconde école, à l’inverse, met en avant la maîtrise technique, jugée indispensable pour exploiter un certain nombre de notions, telles que la data, l’IA, etc. Selon l’objectif recherché, la transformation digitale ne semble s’appuyer que sur l’un de ces piliers : le business ou la technique.

Beaucoup pourraient penser qu’il manque une école, celle qui s’appuierait sur « l’humain ». Curieusement, ce dernier pilier ne semble pas être un point de départ lorsque le projet de transformation digitale est lancé. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas pris en compte, il est plutôt dilué dans l’ensemble des actions mises en place.

La séparation de ces écoles ne serait-elle pas un frein à la transformation ? Car lorsque nous agissons sur un pilier (le business par exemple), il influe nécessairement sur les deux autres (la technique et l’humain). Traiter la transformation digitale en gardant ce fonctionnement fractionné revient inévitablement à courir un risque non négligeable d’échec à moyen ou long terme.

Fort de ce constat, il semblerait intéressant, voire nécessaire, de modifier notre représentation de l’entreprise, à savoir de passer d’une organisation en piliers à un ensemble systémique.

L’humain, un facteur différenciant ?

Focalisons-nous sur la place de l’humain dans notre transformation digitale. Il est vrai que, depuis peu, l’humain semble être au cœur de toutes les préoccupations. Et c’est tant mieux. De manière générale, jamais l’entreprise n’a porté autant d’attention au bien-être de ses collaborateurs et, pourtant, jamais la fracture entre les collaborateurs et le monde professionnel n’a été aussi importante. Probablement nous faut-il revoir la façon dont nous abordons la question de l’humain.

En premier lieu, il serait nécessaire de prendre en considération l’objectif fixé et d’en observer le principe systémique qui y est attaché. Il est courant de croire qu’une transformation digitale doit avoir comme seul objectif d’augmenter le chiffre d’affaires. Du coup, nous faisons tout pour répondre à cet objectif, parfois même au dépit des autres points (technique et humain). Mais il n’est pas rare que, dans un contexte de transformation digitale, la notion même de rentabilité prenne du temps. L’exemple de Tesla qui a perdu de l’argent pendant 17 ans est révélateur. Comment cette entreprise a-t-elle pu garder un cap alors qu’elle perdait de l’argent pendant tout ce temps ? Probablement qu’elle avait bien noté que la rentabilité ne pouvait pas être un objectif (une finalité) mais plutôt une conséquence.

Le deuxième point à prendre en compte, c’est que l’humain n’est pas un produit. Nous ne pouvons pas tricher avec lui. Il implique conviction et honnêteté. Les « faux semblants » ou l’usage marketing que nous pouvons faire de l’humain, le « Human washing », se voient rapidement et produisent l’effet inverse, cette fameuse fracture que nous avons vue plus haut. Il est indispensable de prendre en compte le facteur humain dans sa globalité et non pas comme une action nécessaire à faire pour réussir, comme un élément d’une liste de course que nous devons cocher.

Réussir un projet de transformation digitale suppose que chacun, dans l’entreprise, quel que soit son échelon, porte la conviction profonde que c’est la solution à adopter et donc de se fixer des objectifs en accord avec nos trois éléments.

Pour conclure

Mettre en place une transformation digitale nécessite de transformer en profondeur notre entreprise pour pouvoir intégrer le principe systémique qu’elle oblige. Intégrer ce principe doit nous interroger sur l’objectif que nous nous fixons et la place que nous accordons à l’humain.

Il n’y a pas de recette miracle pour réussir sa transformation digitale. La route vers le succès est longue et difficile, c’est pourquoi il est nécessaire d’être pleinement impliqué à tous les niveaux de l’entreprise, avoir la conviction que cette transformation est importante et s’entourer d’experts qui apporteront leur expérience sur le sujet.