Avec plusieurs milliards d’euros d’investissements à travers le monde depuis 2018, la blockchain connaît une croissance exponentielle ! En 2019 plus précisément, le site Hired annonçait une augmentation de plus de 500% de la demande de profils autour de la blockchain. En 2020, la tendance est à la mise en production : cela concerne 39% des entreprises ayant lancé un tel projet en 2019 ou plus tôt. Par exemple, 80% des banques italiennes utilisent Corda. Le secteur des services est leader en taux d’adoption. Le secteur industriel s’y engage également quoique plus timidement sur la même période avec TradeLens (gestion des containers maritimes) et XCEED (gestion de la conformité automobile) par exemple.
Mais alors qu’est-ce que la blockchain et comment assurer la réussite de la mise en œuvre de ce type de projet ? Notre expert Yves-Michel Leporcher a accepté de répondre à nos questions pour vous !
ENI : Qu’est-ce que la blockchain ?
Comment savoir si la blockchain est la technologie adaptée à mon projet ?
Quelles sont les technologies alternatives ?
Y.-M.L. : La technologie est adaptée lorsque les échanges ont lieu entre des entités dont les intérêts peuvent diverger (comme des entreprises par exemple). Elle excelle dans le traitement des sujets usuellement manuels, chronophages avec des coûts de gestion importants ou lorsque les processus en place sont lents ou nécessitent un effort humain important pour acquérir un degré de confiance suffisant.
Si au moins deux de ces conditions sont remplies, une refonte des process en entreprise ou une digitalisation avec des applications web ou cloud suffisent. Il est important de noter que la technologie commence à pouvoir être adossée à des amplitudes de données proches du big data.
La blockchain apporte des gains de réactivité, de performance, et de certification tout en offrant de nouvelles opportunités de business. Elle propose aux utilisateurs une confiance qui manquait jusqu’alors à internet.
Comment mettre en œuvre un projet de blockchain réussi ?
Quels sont les points à ne pas négliger ?
Y.-M.L. : Un projet blockchain peut se résumer en trois étapes :
- Remise à plat du réseau d’acteurs : il n’y a plus un acteur principal au centre de l’étoile, mais une prise de responsabilité partagée avec des échanges plus fluides entre plusieurs acteurs. Pour cela, on lance une démarche projet structurée avec des ateliers regroupant plusieurs entreprises autour d’enjeux organisationnels, fonctionnels et techniques. La gouvernance de ces projets est fondamentale.
- Mise en place des algorithmes, appelés smart contrats. Ils vérifient et analysent les données échangées en temps réel.
- Application d’une couche d’intelligence artificielle au travers de données communes, car on obtient enfin un volume de données suffisant pour cela.
Pour pouvoir faire adhérer chaque participant, il est nécessaire que chacun y trouve de la valeur. La relation client-fournisseur doit faire place à la relation de coopétition. Enfin, tout projet blockchain doit être pensé en grand, mais commencer petit.
Pourriez-vous nous présenter brièvement un ou des exemples de projets de développement fréquents autour de la blockchain ?
Tradelens par exemple est une initiative qui cherche à améliorer le processus de suivi des containers et de la liasse documentaire associée. Avant le projet, un grand nombre d’individus devaient écrire et recopier les mêmes informations, parfois avec des variantes locales en fonction des besoins des ports, souvent répétitives et laborieuses. Aujourd’hui, pour les participants du réseau, l’essentiel du travail est déjà pré-saisi par un seul acteur, le plus proche du savoir, et transmis et contrôlé par la blockchain et les smart contrats. En décembre 2020, plus de 50% du trafic maritime était monitoré par smart contrats !
S’il ne s’agit que d’un exemple, les projets blockchain qui fonctionnent apportent systématiquement une valeur à leurs utilisateurs. Ce n’est pas une simple démonstration technologique.
Quelle blockchain en 2021 pour les entreprises ?
Y.-M.L. : Les blockchains de consortium sortent grandes vainqueurs en 2020, et 2021 semble poursuivre dans cette lancée. On parle de technologies telles que HyperLedger Fabric et Corda majoritairement, Quorum dans une moindre mesure. Des instanciations de protocoles publiques tel qu’Ethereum semblent se cantonner invariablement à des PoCs. Les technologies publiques n’ont pas encore convaincu les entreprises à quelques exceptions et initiatives près.
Il est néanmoins essentiel de ne pas constituer de « silos distribués ». Si un cas d’usage est déjà installé, il est très souvent préférable de le rejoindre plutôt que de réinventer la roue et réanimer une communauté.
En conclusion
Yves-Michel LEPORCHER est titulaire d’un M. Sc. en Finance de Toulouse Business School, certifié en gestion des risques (FRM), et possède une formation en développement logiciel, architecture de solutions, apprentissage automatique, big data et blockchain.
Il possède une connaissance approfondie des secteurs de la finance et de l’automobile et est l’auteur de livres sur la gestion d’actifs, la gestion des risques et la technologie blockchain. Il a travaillé dans le secteur financier où il a développé plusieurs produits, puis a lancé son propre protocole blockchain et start-up (Neurochain) avant de se diriger vers l’industrie automobile. Depuis, il a travaillé dans divers rôles techniques sur des projets informatiques à grande échelle, y compris la science des données, le big data et la blockchain, avec plusieurs entreprises européennes. Il a été enseignant en intelligence artificielle et en apprentissage automatique.
Depuis 2017 il a rejoint Renault Digital et est expert en technologie blockchain et représentant dans le consortium MOBI (consortium sur les services de mobilité incluant la technologie blockchain).