Mal ou méconnue, l’informatique quantique n’est plus un mythe et possède déjà de nombreuses applications concrètes : recherche, chimie, cybersécurité, calculs complexes… tout en continuant à entretenir un grand potentiel théorique. Mais alors, quelles applications du numérique de demain l’informatique quantique peut-elle apporter ? Quels intérêts ont les entreprises à s’intéresser voire à développer des projets autour de cette discipline.
Pour explorer cet univers passionnant et aborder les questions et enjeux qui lui sont associés, le groupe ENI proposait jeudi 10 octobre 2024 le 8e ENI Talks intitulé « Informatique quantique : applications du numérique de demain ».
Le sujet de l’informatique quantique peut paraître complexe de prime abord, entre mathématiques, physique et évidemment informatique. L’un des objectifs de ce Live était justement de rendre accessible le sujet en montrant notamment à quoi sert déjà l’informatique quantique. Pour ce faire, nous avons réuni trois experts qui ont su parfaitement vulgariser le sujet et partager leurs connaissances et expériences concrètes :
- Benoit Prieur, ingénieur logiciel, expert en Machine Learning & auteur aux Editions ENI
- Pierre Jager, Quantum strategic partnership pour IBM
- Quentin PRIGENT, Formateur développement à ENI Ecole Informatique, Masters en physique théorique et quantique
Toujours sous la houlette d’Olivier Piers, directeur pédagogique d’ENI Ecole informatique, les riches échanges entre nos invités ont ensuite laissé la place aux nombreuses questions des internautes. Vous retrouverez l’intégralité de la diffusion dans le replay ci-dessous !
Informatique quantique : de quoi parle-t-on ?
Parfois fantasmée, mal comprise, la physique quantique peut paraître « contre-intuitive » comme le soulignait Benoit Prieur (voir son interview) dans cette première partie destinée à bien définir les termes et les réalités qui sont derrière.
En effet, la mécanique physique de notre monde (la gravité par exemple) est complètement différente dans le monde de l’infiniment petit, propre à la physique quantique. Et c’est sur ces principes que se base l’informatique quantique.
Plus concrètement, il faut une brique d’interface de programmation pour tirer partie des phénomènes de physique quantique afin de résoudre un problème soit mieux, soit plus vite qu’avec l’informatique « classique ». Cela reste de l’informatique et une autre manière de traiter l’information en manipulant des Qbits plutôt qu’à des bits. Grâce au phénomène de superposition, où les Qbits peuvent être à la fois des 0 et des 1, l’informatique quantique ouvre de nouvelles perspectives.
Théorisé dans les années 70, le thème est aujourd’hui sur le devant de la scène en raison notamment des récents progrès dus aux investissement de nombreux grands acteurs, privés (IBM, Google, Microsoft…) comme étatiques. Le prix Nobel de physique 2022, décerné à Alain Aspect, souligne aussi les progrès hardware et technologiques. Si la construction d’un réel ordinateur quantique reste un défi (voir notre article), des programmes autour du quantique sont aujourd’hui ouverts au plus grand monde.
Mais l’informatique quantique est au cœur des recherches dans le monde de la chimie, de la pharmacie, des finances ou encore du Machine Learning par exemple pour des gains d’efficacité notamment.
Stratégies et bonnes pratiques du numérique responsable
Le sujet doit concerner toutes les strates de l’entreprise et même les fournisseurs, la conscience doit être collective, la démarche comprise.
Une des premières actions, simple et rapide, à mettre en place dans tous types de structures, des TPA aux grandes entreprises en passant par l’administration, c’est d’allonger la durée de vie des équipements. Le matériel et surtout sa fabrication est un des éléments les plus impactants. C’est là que l’éco-conception et la politique d’achat/renouvellement prennent leur légitimité notamment.
Pour mener ce type d’actions, se faire accompagner par des experts est évidemment une possibilité intéressante si les compétences n’existent pas en interne. Pour mesurer l’impact de ces nouvelles pratiques, des indicateurs peuvent être pertinents.
Le potentiel de l’informatique quantique
Même si l’informatique quantique a déjà des impacts dans certaines sociétés et projets, c’est aujourd’hui encore plus une promesse qu’un nouveau moyen de « production ». Le potentiel est encore à développer comme le souligne Pierre Jaeger. Et pour l’exprimer, il va falloir avancer sur les erreurs quantiques, domaine où beaucoup investissent pour rendre les résultats plus fiables.
Pour autant, les progrès récents sont importants. Et Pierre de souligner que c’est maintenant qu’il faut monter en compétences et se former.
La principale promesse est évidemment le gain de temps y compris face aux supercalculateurs. À l’heure de la data, de l’IA, on comprend mieux les enjeux.
Autre défi de l’informatique quantique, sa liaison, l’interface, avec des systèmes classiques. D’où le besoin en ingénierie logicielle et de formation aux frameworks quantiques. La connaissance du Python est clairement un avantage mais il n’est pas nécessaire d’avoir un profil de physicien comme certains peuvent le préjuger. En résumé, nos 3 intervenants enjoignent à se lancer !
Pour terminer cette partie, nos intervenants ont rappelé que de nombreux secteurs comme la chimie, la finance et d’autres industries utilisent, accompagnés ou non, des programmes d’informatique quantique.
Cybersécurité et risques de l’informatique quantique
Ce potentiel de calcul de l’informatique quantique soulève des problèmes de sécurité : déchiffrer des clés complexes (comme pour les cartes bleues par exemple) pourrait devenir extrêmement rapide. Ce risque a engendré la création d’une nouvelle discipline, la cryptographie post-quantique (PQC), que cela soit pour créer des chiffrements spécifiques comme pour résister aux attaques « quantiques ». Et la notion de « Quantum Safe », résistant au quantique, d’apparaître à la suite.
Pour nos experts, le danger n’est pas pour aujourd’hui (10 ans estime Pierre Jaeger) mais c’est maintenant qu’il faut s’y préparer. Les données chiffrées dérobées que l’on voit régulièrement apparaître dans l’actualité aujourd’hui seront ainsi demain déchiffrables.
Les débats ont également portés sur l’impact au niveau géopolitique et relations internationales. Car les gouvernements, et au travers eux les armées, disposent de programmes autour du quantique pour protéger leur souveraineté… comme pour déstabiliser. Par rebond, les entreprises les plus sensibles doivent se projeter développer la PQC et au-delà, l’ensemble du monde professionnel doit y réfléchir.
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