La blockchain, les NFT et le métavers apparaissent tous comme des produits feu-de-paille : un an maximum de fièvre endiablée, puis chute du soufflet. Mais est-ce bien le cas ? Avec le web3, il semblerait que ce ne soit pas le cas…
Article rédigé par Yves-Michel Leporcher, co-auteur du livre “Blockchain, NFT et Métaverse – Démythification, usages et potentiels”.
Lorsque dans un système, ce sont toujours les mêmes qui gagnent, une révolution est en marche, et c’est bien ce que propose le web3 : un plus juste partage des coûts comme des revenus, une réponse technique fiable face au problème de l’hyper connectivité, mais surtout, une alternative saine aux géants du web.
Tout cela, basé sur une décentralisation d’Internet grâce notamment aux technologies de Blockchain.
La blockchain à maturité ?
Les bitcoins représentent moins de 3% des échanges d’actifs numériques sur base de crypto monnaies. Ethereum consomme 99% d’énergie en moins que son prétendu concurrent. Solana propose des dizaines de milliers de transactions par seconde. Les usages se déplacent de la spéculation vers de la consommation. L’Europe de l’est et l’Asie du Sud-est sont en forte croissance sur le sujet. Par exemple, la société ukrainienne VASS propose des terminaux de paiements par carte bleue avec la solution cryptomonnaies. Un marché existe et attire les plus hésitants tel que Bank of America, victime d’une fuite de ses dépôts sur comptes courants.
L’univers de la Blockchain a donc profondément évolué, les portefeuilles numériques se sont consolidés. L’usage du très connu Metamask, outil pour gérer des dizaines de crypto monnaies, collecte les informations des utilisateurs. Les fondamentaux contre le blanchiment d’argent sont en cours de déploiement. La loi européenne évolue. Les portefeuille numériques et crypto-wallets ont une identité. La perte de mots de passe sur les wallets standards est également en passe d’être résolue grâce à de récentes innovations.
Ces évolutions et le besoin de renouveau d’Internet porté par le concept de web3 ouvrent la voie vers de nouveaux usages. Et peut même faire « renaître » certains qui n’ont pas rencontré leur public…

Métavers et multivers
Les freins techniques sont nombreux. Pour accéder à cet univers augmenté, il faut encore porter des casques encombrants, lourds, et à l’autonomie très limitée au regards des usages. Les serveurs sont lents, chers et pas assez puissants. De quoi rappeler les débuts d’Internet.
Ensuite, les usages humains restent à définir et valider par l’expérience. De la formation augmentée (cas Natixis), aux environnements totalement immersifs (cas Meta) proches de la science-fiction, le spectre des possibles est très large. Le public ne répond pas toujours présent.
2023 marque-t-il la fin de ces expérimentations ? Rien n’est moins sûr. Les responsables d’entreprises semblent maintenir leur soutien, au grand dam de certains directeurs de la relation ou de l’expérience client. Le middle management ne perçoit pas toujours l’intérêt, le retour sur investissement ou l’impact sur leur KPIs de performance professionnelle.
L’industrie a tenté d’interpréter le métavers pour lui donner un peu de sérieux avec des versions adaptées à leur industrie. Les acteurs qui adoptent une posture conservatrice font du rebranding des investissements réalisés dans le Big Data et ajoutent quelques capteurs en usine puis appellent le produit qui en résulte un jumeau numérique. Il s’agit en soit d’une représentation digitale d’une usine et de ses flux de production. En revanche, les composants techniques ou métier qui ont permis de créer ces jumeaux numériques ont très peu de points communs avec les premières définitions du métavers. C’est pourquoi la notion de métavers industriel a semblé avoir peu de sens au-delà de l’aspect communication et marketing.
Reste que le Metavers et son potentiel existe bel et bien et que certains font plus qu’y croire et investissement massivement pour être les « premiers »… quitte à se planter !

Meta flop ?
L’entreprise investit depuis près d’une décennie, à l’image de ses concurrents (ex. : Google, Apple, Amazon) sur la réalité virtuelle et augmentée. Les Google Glass ont été un double échec commercial, précédé par de nombreux autres depuis les années 60. Les bouleversements conjoncturels du début des années 2020 et le renversement du marché de la publicité n’ont fait que ralentir les efforts sur le métavers, pas l’arrêter. Pour Meta, c’est une évidence.
L’informatique est une industrie qui voue un culte à l’innovation, pas à la tradition. Cette quasi-religion mêlée à la concurrence acharnée entre les Etats-Unis et la Chine est un fantastique terreau pour faire émerger de nouvelles technologies, approches concurrentielles et produits innovants. Les technologies et les applications de réalité virtuelles sont les grands gagnants actuels, bien au-delà de toute espérance.
En 60 ans, jamais les composants à disposition n’ont été aussi palpables. D’ici 2030, le métavers sera une réalité.
Et pourtant, son lien avec le web3 qui lui aussi tend à être une réalité est loin d’être évident.
Web3 et métavers ?
La brique 3D ne semble pas faire partie du vocabulaire. Pourtant, quand on parle de métavers, on mentionne Roblox, Decentraland, Axie infinity. Ces applications structurellement déficitaires de jeux vidéo utilisent les outils du web3 pour se financer et vendre des actifs numériques. Ils pavent à leur façon un des chemins technologiques possibles d’environnement 3D à disposition de la masse.
De leur côté, les déclinaisons classiques ont pour le moment échoué, à l’image de la plateforme de jeu vidéo de Google dans le cloud : Stadia. Si les raisons sont nombreuses, les principales incluent un équilibre budgétaire précaire et des contraintes juridiques très fortes. Le géant du jeu vidéo, Steam, ne voit pas particulièrement décoller ses volumes de vente ou d’activité sur le volet 3D.
En somme, le métavers se nourrira des deux paradigmes. Il est probable que l’on voit dans la durée deux approches techniques distinctes et complémentaires pour soutenir le développement du métavers.

Métavers : une vision de cerbère
- Une approche ultra centralisée où le premier remporte la mise, financée par la publicité et nécessitant des dispositifs spécifiques de réalité virtuelle
- Une approche corporatiste, où chaque entreprise exprime sa vision et présente ses services et produits, financée par le fruit de ses ventes
- Une approche décentralisée dominée par les levées de fonds en crypto monnaies se satisfaisant pour le moment de moniteurs classiques mais interopérable.
S’il est communément admis que l’on a besoin de rebattre les cartes pour une redistribution des recettes, le sésame semble être la spéculation et les actifs numériques échangés sur des plateformes interopérables.
De l’autre côté de l’atlantique, trouver un relai de croissance n’est pas vital pour Amazon, Google ou Azure ; il l’est pour Meta. Son miroir aux alouettes n’est autres que le métavers et la suite servicielle autour de la réalité virtuelle, augmentée et mixte.
Yves-Michel LEPORCHER est diplômé d’un Master de finance de Toulouse Business School et est certifié en gestion des risques (Financial Risk Manager). De formation en développement logiciel, architecture de solutions, apprentissage automatique, big data et blockchain, il possède une connaissance approfondie des secteurs de la finance, de l’automobile et de l’aéronautique et occupe des postes techniques sur des projets informatiques à grande échelle avec plusieurs entreprises industrielles de rang européen (ex. : projet XCEED). Auteur de livres sur la finance et la blockchain, il enseigne également l’intelligence artificielle.
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