Lecture des images
Introduction
Dans ce chapitre, nous allons d’abord évoquer succinctement la sémiologie de l’image, l’étude des signes contenus dans une image.
Vous pouvez entendre sémiologie ou sémiotique. Ces deux termes se rapportent au même concept.
Cette analyse vous permettra de découvrir le sens caché par l’auteur dans une illustration, une photo, etc., souvent malgré lui.
Nous vous proposerons ensuite une grille d’analyse des images. Puis l’application de cette grille à une image, pour vous fournir un exemple.
La sémiologie
La sémiologie est la science qui étudie les systèmes de signes, intentionnels ou non, en tant que systèmes de communication.
La sémiologie de l’image consiste à repérer et relever les signes dans une composition graphique (dessin, illustration, photo, etc.) afin de lui donner un sens.
On considère que toute production graphique est un essai de communication entre l’auteur et lui-même (monologue) ou entre l’auteur et les lecteurs potentiels (dialogue). Nous utilisons lecteurs potentiels pour désigner des personnes qui observent attentivement une production graphique et ne sont pas juste observateurs.
Nous ne nous intéresserons pas dans ces lignes au monologue, souvent trop hermétique aux personnes qui ne connaissent pas bien un auteur, et nous nous concentrerons sur les dialogues.
Le signe
D’une manière plus vaste, la sémiologie est l’étude des signes. Pour Ferdinand de Saussure la sémiologie est « la science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ».
Le signe est quelque chose qui renvoie à autre chose que lui-même.
Selon Odgen et Richards, un élément de la réalité peut être conceptualisé selon le triangle sémiotique ci-dessous, quand on y fait référence à l’aide d’un langage.

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Le signifiant est la représentation graphique d’un élément.
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Le signifié est le concept auquel le signifiant renvoie, en fonction de la doxa du lecteur.
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Le référent est l’élément de la réalité dont le signifiant est une représentation graphique et le signifié le concept mental.
Donnons un exemple plus concret à partir d’un fruit. Pour une plus grande praticité au lieu de glisser une banane dans ce manuel, notre éditeur a préféré une photographie de ce fruit. Mais considérez que c’est le vrai fruit et non sa photographie qui est présent ici.

Les fonctions du langage
Lors de ses recherches, le linguiste Roman Jacobson a défini six fonctions que remplit le langage. Chacune est liée à un élément nécessaire à la réalisation d’une communication.
Ces six fonctions sont relativement simples à identifier dans le langage parlé ou écrit. Dans une image qui n’utilise pas de système linguistique stable, chaque fonction, mise à part la fonction poétique, peut être présente ou non et peut être réalisée par un ou plusieurs signes.
Le schéma ci-dessous reprend les propositions que ce chercheur a publiées au début des années soixante.

Le destinateur est l’émetteur du message. Dans le cas qui nous intéresse, c’est l’auteur. La fonction liée au destinateur est nommée fonction expressive.
Cette fonction désigne les contenus du message qui informent le destinataire des sentiments, émotions et de l’état d’esprit de l’émetteur.
Cette fonction peut être exprimée par le choix du sujet ou son traitement. Pour un peintre, cela peut être la manière dont les coups de pinceau sont donnés, le choix de certaines dominantes de couleurs, etc.
Ces informations ne sont pas forcément liées au message en lui-même et ne sont pas forcément volontaires.
Le contexte est l’environnement dans lequel se trouvent l’émetteur et le récepteur. Il est rare que l’auteur d’une image soit directement face à un public, même si cela peut arriver. Le récepteur se trouvera dans un espace-temps différent...
Grille d’analyse
Afin de comprendre une image, nous vous proposons une analyse des signes qui la composent selon une grille structurée.
Ce n’est pas un outil miracle. Cette grille vous permet de mieux structurer votre étude et de ne pas oublier un élément important pour votre réflexion.
Il est tout à fait possible d’élaborer d’autres grilles plus adaptées à un type de média particulier. Celle que nous vous proposons est relativement générique et s’adapte à toute image, sans élément textuel.
Le but de cette analyse est d’extraire de toute composition un sens ou une histoire, mais fondé sur une observation détaillée et non juste sur une impression. Ce qui en réduit un peu la subjectivité, sans pour autant la supprimer.
Si vous proposez l’analyse de la même composition graphique à plusieurs personnes, en utilisant la même grille, ils devraient retrouver les mêmes signes. Cependant, leur interprétation sera plus ou moins différente.
Pourquoi analyser une image si on n’est pas sémiologue ? Afin de comprendre le cheminement de vos lecteurs ou de votre public, présent ou futur. Vous pourrez ainsi améliorer vos compositions et prévoir des sens parasites dus à des signes qui possèdent des sens différents pour certaines...
Relation entre les signes
C’est là que l’interprétation naît. Vous allez relier les différents signes que vous avez relevés et qui vous paraissent significatifs afin de trouver un sens à l’image. Dans certains cas, vous pourrez même imaginer une histoire crédible.
Analyse de l’image
Nous allons étudier une image afin de voir comment utiliser la grille d’analyse.
Cette analyse est neutre, c’est-à-dire que nous ne tenons pas compte ni du titre de l’œuvre ni de l’endroit où elle est exposée, nous analysons juste la photo.
Nous allons prendre comme exemple l’image ci-dessous, qui est d’une composition simple.
Dans un premier temps, observez-la dans son ensemble et notez le sentiment que vous éprouvez. Cela peut être une phrase ou un mot.

Mais ne perdez pas votre objectivité. Certaines images donnent une certaine impression lorsque vous les observez, mais elles peuvent évoquer un sentiment antagoniste lorsque vous les analysez en détail. Il arrive que l’auteur joue avec son public.
Le fichier correspondant, chat.png, est disponible en téléchargement.
Analyse technique
Le medium utilisé est une photographie en noir et blanc, accessible dans un livre imprimé ou en version numérique. Ceci implique que sa qualité n’est pas optimale.
Cette image est de format rectangulaire orientée en paysage.
Le cadrage est un gros plan sur la tête d’un chat endormi.
Un peu de bokeh est présent en arrière-plan et le premier plan est flou.
On peut trouver quatre plans distincts (voir illustration ci-après) :
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Le premier plan (en magenta) se compose d’une feuille de papier froissée à gauche et d’un bout de vieux téléphone de couleur claire, reconnaissable à son fil torsadé, à droite.
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Le deuxième plan (en vert) est composé d’un pot à crayons à gauche. Il contient un crayon à papier et deux autres objets dont on ne voit que les manches et qui pourraient être des tampons. Un morceau de calendrier en carton occupe le centre et la droite de ce plan. Il est en partie masqué par le chat.
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Le troisième plan (en bleu) est occupé au centre de l’image par la tête d’un chat tigré endormi et à droite d’une partie de son corps qui devient...