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L’intelligence artificielle objet du contrat

Introduction

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’intelligence artificielle ne dispose pas encore d’un cadre légal et réglementaire spécifique. C’est pourquoi, contraints ou libérés par le silence de la loi, les différents acteurs de l’intelligence artificielle recourent à la contractualisation. Si le principe de la liberté contractuelle prévu à l’article 1102 du code civil permet une totale créativité dans sa pratique, il n’en demeure pas moins que les contrats liés à l’IA partagent des problématiques et des caractéristiques communes qu’il convient d’étudier en détail.

Pour appréhender de manière optimale ce sujet et conserver l’aspect didactique de ce guide, le présent développement envisage tout d’abord la qualification du contrat, dans l’optique de déterminer un régime juridique. Ensuite, il convient de s’intéresser aux principales clauses qui doivent figurer dans le contrat.

La nature du contrat

Pour conclure un contrat portant sur l’IA, il faut dans un premier temps déterminer sa nature afin d’opter pour un régime juridique. Cette étape, qui correspond normalement à une simple formalité étant donné que l’objet du contrat correspond généralement à un type bien défini, constitue dans le cadre de l’IA une véritable difficulté en raison de la diversité et de la complexité des formes qu’elle peut revêtir. Par ailleurs, comme le soulignent Hervé Jacquemin et Jean-Benoît Hubin, « l’intervention d’un grand nombre d’intervenants à titre divers (fabricant d’un composant matériel ou de produit fini, éditeur du logiciel, distributeur, importateur, fournisseur, vendeur, etc., ainsi que leurs sous-traitants ou agents d’exécution éventuels) ne contribue pas à simplifier le cadre normatif et conventionnel potentiellement applicable ».1

Ainsi, nonobstant la multiplicité des intervenants, l’IA se compose la plupart du temps d’éléments incorporels (software) comme des logiciels, des bases de données ou des algorithmes, et d’éléments matériels (le hardware) qui permettent sa matérialisation, comme un robot humanoïde par exemple. Cette distinction entraîne des conséquences quant à la qualification de l’IA et ainsi aux régimes juridiques applicables, notamment en matière de responsabilité2. Précisément, les éléments incorporels répondent, en raison de leur nature, à...

Les points de vigilance pour la contractualisation de l’IA

Pour assurer la sécurité juridique de la partie procédant à la vente de l’IA, il apparaît judicieux de détailler les différents points qui peuvent susciter des difficultés et insister sur les clauses qui devraient nécessairement figurer dans le contrat.

Tout d’abord, outre la parfaite identification des parties prenantes (concepteur, utilisateur, distributeur, fabricant, programmateur, professionnel/consommateur, etc.) et de la chaîne de responsabilités, il convient d’apporter une attention toute particulière à l’obligation liée à l’information des contractants. En effet, la validité d’un contrat est subordonnée à l’existence du consentement du co-contractant. Précisément, cela correspond en droit français à une obligation d’information et de conseil. Dans le cadre d’un contrat portant sur l’IA cette obligation acquiert une importance fondamentale.

Le devoir d’information précontractuelle, qui est d’ordre public9, se fonde sur l’article 112-1 du Code civil qui dispose que la partie ayant connaissance d’une information « dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer ». Concrètement, il s’agit uniquement des informations pertinentes, c’est-à-dire que ces informations doivent disposer d’un rapport avec l’objet ou la cause des obligations issues du contrat ou de la qualité des cocontractants. Globalement, l’information doit permettre que l’engagement soit pris en toute connaissance de cause et que le cocontractant puisse être en mesure d’en apprécier la portée.

Appliquée à l’IA cette obligation revêt une dimension déterminante. En effet, compte tenu de sa complexité, de sa technicité et de l’opacité qui entoure les algorithmes, la jurisprudence se montre particulièrement intransigeante sur ce point. Certes, elle module l’intensité de cette obligation au degré de complexité du système10 mais dans le domaine de l’IA, il ne fait guère de doute que les juges inclinent à...

Notes

1 H. HACQUEMIN et J.-B. HUBINI, « Aspects contractuels et de responsabilité civile en matière d’intelligence artificielle », in L’intelligence artificielle et le droit, dir. A. DE STREEL et H. JACQUEMIN (H.), Larcier, Bruxelles 2017, p.77.

2 Voir à ce sujet, F.-P. LANI, « Intelligence artificielle : Prévoir l’imprévisible dans le contrat », Legalis, 2018 [https://www.legalis.net/legaltech/intelligence-artificielle-2/].

3 Soit selon la norme ISO 2382 :2015 la « capacité d’une unité fonctionnelle à exercer des fonctions généralement associées à l’intelligence humaine,telles que le raisonnement ou l’apprentissage ».

4 Le contrat de vente est prévu à l’article 1582 du Code civil. Le contrat de louage d’une chose à l’article 1709 du Code civil et le contrat d’entreprise à l’article 1779 du même code.

5 Cass. Com., 19 fév. 2008, n. 06-17.669, cité dans Lamy droit du numérique, Ed. 2015, n° 951.

6 C.A., ch. 5-11, 13 janvier 2017, n. 14/23408. V. également Lyon, 1ère ch. Civ., 17 sept. 2018, n. 16/02232.

7 Cass. Civ., 1ère, 26 juin 2001, n. 99.17.630.

8 Lorsque les obligations sont aussi importantes les unes que les autres et qu’il n’est donc pas possible...