Le cahier des charges
Le contexte du projet
1. Pourquoi ?
Avant d’aborder le cahier des charges de façon plus détaillée, il est intéressant de résumer en introduction les causes du projet et ses principaux objectifs. C’est ce qu’on appelle l’executive summary en anglais. Il donne un contexte rapide du projet pour :
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comprendre les enjeux d’un simple coup d’œil,
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savoir rapidement si ce document intéresse le lecteur potentiel ou non (maintenant ou dans le futur).
Si l’étude d’opportunité a été faite dans les règles de l’art, il suffit de reprendre les parties "Éléments déclencheurs" et "Bénéfices". Vous pouvez d’ailleurs ajouter l’étude d’opportunité en document joint du cahier des charges, ainsi que tout document pertinent pour éclairer le projet.
2. Un lexique pour traduire
Imaginez que quelqu’un vous confie un projet bancaire en ces termes : "Lors de la MAD, le suivi du retour de la copex peut être automatisé en se basant sur la prise de garantie de type PPD ou hypothèque". Soyez honnête : qu’avez-vous compris à cette phrase ?
Si vous n’avez jamais travaillé pour une banque, et plus particulièrement dans le service des prêts aux particuliers, il n’y a aucune chance qu’elle vous ait évoqué quoi que ce soit, et c’est normal. Pourtant, placez-vous dans la situation de la dernière personne qui a reçu un cahier des charges de votre part. Si vous n’avez pas défini les termes de votre métier, elle s’est probablement retrouvée comme vous l’étiez au début de ce paragraphe : désarmée.
Cela vous paraît peut-être évident car tous ceux qui participent...
L’approche par processus
1. Qu’est-ce qu’un processus ?
Un processus, c’est un enchaînement d’actions qui transforment un produit d’un état de départ à un état d’arrivée. C’est exactement comme la ligne de production d’une usine de baguettes ou de journaux.
Notre objectif pour écrire un cahier des charges est d’identifier tous les éléments de cette chaîne de transformation :
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les actions effectuées et leur résultat sur l’état du produit,
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les acteurs responsables de chaque action,
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les règles métier de passage d’un élément à un autre (validation, calcul, etc.).
Rappelez-vous les silos organisationnels… et oubliez-les ! La modélisation doit être faite en partant des éléments fondamentaux, indépendamment de toute division artificielle : département, zone géographique, service…
Attention également à bien distinguer les trois temps possibles d’un processus.
Temps |
Définition |
Description |
Présent |
Ce qui existe actuellement. |
Vous devez décrire fidèlement la réalité, même si elle est illogique ou inappropriée. Si une personne prend un raccourci non conforme dans le processus, c’est cette réalité qu’il faut décrire, et non le fonctionnement décrit dans la procédure théorique. |
Futur |
Ce qui devra exister après le projet. |
C’est l’option retenue après l’étude d’opportunité. |
Conditionnel |
Ce qui pourrait exister idéalement. |
Ne décrivez pas ce qui pourrait être fait si l’on disposait de mille milliards d’euros. L’humain est imparfait, ses processus aussi. Rappelez-vous Pareto et le principe de simplicité KISS. |
Les trois temps d’un processus
2. Décrire vos processus actuels
La première étape pour décrire un changement, c’est de définir ce qui existe actuellement. Imaginez un appel d’offres spécifiant de modifier un immeuble existant pour qu’il atteigne au moins dix étages. S’il n’y a pas d’information sur son nombre d’étages actuel, comment savoir le volume de ciment à...
Fixer le niveau de qualité
L’objectif de la qualité, c’est de vérifier que le résultat du projet est conforme à ce qui était attendu. Mais la définir dès le cahier des charges, n’est-ce pas un peu prématuré ? Pas du tout !
Reprenons l’analogie qui illustrait le principe de Pareto : la qualité d’un stylo publicitaire est différente s’il s’agit d’un salon des antiquaires ou bien d’une foire à l’andouille. Les solutions envisageables en réponse à un cahier des charges donné sont donc très différentes suivant le niveau de qualité attendu. Elle doit donc être définie dès le début du projet.
Mais comment définir la qualité attendue d’un projet de façon appropriée ? Il faut déterminer :
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les critères de qualité attendus, éventuellement avec une tolérance,
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les tests d’acceptation permettant de valider que cette qualité a bien été atteinte.
Ces deux éléments sont indissociables : sans tests, impossible de savoir si le résultat du projet est conforme et pourra atteindre les bénéfices attendus ! Si vous envisagez de ne pas faire de tests et simplement recourir à la garantie, sachez que ce n’est...
RACI : la matrice des droits
Nous avons vu ensemble que l’humain est un facteur déterminant du succès ou de l’échec d’un projet. Attention, ici il ne s’agit pas de définir les membres de l’équipe qui vont mener à bien votre projet : au stade du cahier des charges, vous devriez déjà les connaître. Par contre, il faut identifier les acteurs du processus pour déterminer leurs rôles exacts : devoirs et droits.
Pour être plus concrets, revenons à notre exemple de la composition d’un journal. Lors de la modélisation du processus, nous avons cité plusieurs rôles :
1. |
rédacteur |
2. |
rédacteur en chef |
3. |
iconographe |
4. |
dessinateur |
5. |
chef de rubrique |
6. |
secrétaire de rédaction |
7. |
maquettiste |
Imaginons maintenant que le journal souhaite réduire ses coûts pour mieux résister à la concurrence de la presse exclusivement en ligne. Après investigations, il s’avère que trois logiciels différents sont utilisés : pour la composition du journal, pour la chaîne de production et pour la publication en ligne. La gestion de toutes les opérations dans un seul logiciel permettrait d’unifier la production et de réduire les coûts opérationnels de 30 %.
Chaque acteur de la chaîne de composition reçoit donc un accès au nouveau logiciel. Mais si rien n’est précisé, tous les acteurs auront accès à l’ensemble des fonctionnalités de composition :
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Un rédacteur pourra modifier les images de tous les articles.
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Un dessinateur pourra valider le lancement en production du journal.
-
Etc.
"Mais chacun sait quel est son rôle", me direz-vous ! C’est faux : si les rôles ne sont pas définis, personne ne sait véritablement où s’arrête le sien. Le maquettiste peut donc estimer qu’il a le droit de changer les photos, puisque cela relève de son travail de mise en page. A contrario, le rédacteur en chef peut estimer que ce n’est pas à lui de valider la production du journal. Si aucun rôle n’a été défini, c’est le chaos !
Pour présenter les rôles et les droits...
Décrivez votre stratégie de déploiement
Décrire le déploiement de votre projet alors qu’il n’a même pas encore commencé, voilà qui peut sembler paradoxal, vous ne trouvez pas ? À bien y réfléchir, l’approche inverse, qui serait d’attendre le matin du déploiement pour définir les règles à suivre et les contraintes à respecter, n’est pourtant pas très judicieuse !
Gardez toujours à l’esprit que le déploiement est une phase critique de votre projet : le changement est un moment incertain et risqué. Vous devez donc vous équiper des bonnes armes dès l’étape du cahier des charges, pour être certain de réussir ce jeu d’équilibre.
Votre stratégie de déploiement doit contenir trois éléments :
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La configuration : savoir quoi livrer (versions des éléments du projet et éventuelles dépendances).
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L’installation : savoir comment livrer (méthode pour déployer le projet).
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La solution de secours : savoir comment annuler la livraison (retourner à la solution précédente si le déploiement est un échec).
Voici un exemple plus concret des problèmes que vous pouvez rencontrer si vous ne définissez pas chacun...
Assurez-vous : la maintenance
1. Puits à sec en Afrique
En 2009, une ONG britannique, l’Institut international pour l’environnement et le développement, mène une étude sur les puits d’eau potable construits par les ONG en Afrique subsaharienne. En se rendant sur place, elle découvre qu’une grande partie de ces puits sont devenus inutilisables :
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30 % au Sénégal
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58 % au Ghana
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80 % dans le nord du Mali
Une pompe à main dans une zone désertique (auteur inconnu/source : pixabay.com)
Les causes sont très variées, mais parmi celles-ci nous pouvons citer principalement :
1. |
Une trop grande complexité des pompes amenées par les ONG. |
2. |
L’absence de mécanicien ou de pièces de rechange localement. |
3. |
L’installation de mauvaise qualité par manque de supervision. |
La source du problème, c’est que, pour ces ONG, le projet est terminé une fois le résultat atteint. Pourtant, rien n’est plus faux ! Un projet ne doit pas s’envisager uniquement sur sa durée d’exécution technique. Le produit du projet et ses bénéfices ont été évalués par rapport au retour sur investissement attendu. Vous devez donc vous assurer que ce dernier produira bien les bénéfices escomptés pour la durée...
Découpez votre projet en versions
Un projet est comme un melon : essayez de le manger en une bouchée et vous risquez de vous étouffer. Découpez-le en tranches et il deviendra plus digeste. Naturellement, après avoir étudié votre projet en long et en large, vous souhaitez probablement le réaliser en entier, pour l’utiliser dès que possible dans sa totalité. Sachez résister à cette tentation.
Découper votre projet est une application directe des quatre principes que nous avons définis ensemble pour assurer le succès de votre projet :
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Faites au plus simple : ne vous lancez pas dans un grand projet monolithique qui deviendra vite ingouvernable.
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Capitalisez sur l’existant : préférez construire votre projet par briques que vous pourrez ensuite réutiliser pour ce projet ou pour d’autres.
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Itérez : validez peu à peu vos hypothèses de départ ou interrompez votre projet à moindre coût s’il s’avère décevant.
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Concentrez-vous sur le besoin: réorientez plus facilement votre projet si le marché évolue ou si une meilleure opportunité se présente.
Attention, il ne s’agit pas à ce stade d’établir une planification ou une priorisation détaillée. Mais le travail d’analyse...