Réalisez et contrôlez
Réévaluez le bien-fondé de votre projet
1. Le disque rayé du phonographe vidéo
Savez-vous qu’il a existé un phonographe vidéo appelé SelectaVision ? Ce projet novateur a été développé par la société RCA dans les années 1960 pour permettre de lire des films sur la télévision. Rien de tel n’existe alors : le succès commercial est assuré !
Mais le système comporte les mêmes défauts qu’un disque de phonographe : l’aiguille de lecture endommage facilement le disque et la lecture saute en présence de poussières. La technologie nécessite donc 17 ans de mise au point ! Le premier lecteur opérationnel est commercialisé en 1981.

Un disque CED de SelectaVision pour Capacitance Electronic Disc (auteur : Athnex / source : Wikimedia Commons)
Le problème, c’est qu’entre-temps la cassette VHS a fait son apparition. Elle permet d’enregistrer soi-même la télévision et offre jusqu’à 5 heures de lecture. Un disque SelectaVision, en revanche, ne permet que l’enregistrement industriel, se voit limité à 60 minutes par face et sa qualité de lecture se détériore très rapidement.
En 1981, le phonographe vidéo apparaît donc comme un ovni tout droit sorti des années 1960. Les ventes sont très en dessous des prévisions faites 17 ans auparavant. Les pertes liées au produit s’accumulent jusqu’à atteindre 600 millions de dollars en 1986. RCA décide alors de jeter l’éponge et cesse la production.
Peut-être pensez-vous que ce projet aurait dû être interrompu dès les années 1970. Et vous avez parfaitement raison ! Pourquoi cette idée vous paraît-elle évidente, quand RCA s’est entêtée à réinjecter de l’argent dans un projet sans issue ? Parce que l’organisation était emportée dans l’élan de son projet, dans l’espoir d’un grand succès commercial, dans le refus de matérialiser une perte sèche en arrêtant un projet déjà très coûteux.
La morale à retenir...
Contrôlez la réalisation de votre projet
1. Pourquoi contrôler ?
Le cahier des charges a été bien défini. Les rôles sont établis. Les tests vont valider la conformité du résultat. L’exécution du projet elle-même n’est plus qu’une formalité. C’est faux ! Le projet est en bonne voie, certes, mais il est encore loin d’être fini. D’innombrables paramètres inattendus peuvent remettre en question chaque étape du projet.
Pour nous en convaincre, évoquons le projet des Rives du Lotus. Sous ce nom poétique se cache un complexe immobilier construit en 2009 au bord de la rivière Dianpu, au cœur de la mégalopole chinoise de Shanghai. 11 immeubles de 13 étages sont planifiés. Alors que l’immeuble n° 7 est presque terminé, des pluies torrentielles tombent sur la ville et ce dernier s’abat de tout son long, tel un arbre coupé par un bûcheron.

Des immeubles en bord de rivière (auteur inconnu/source : pixabay.com)
Quelle est l’origine de cette catastrophe ? Le creusement du parking devant l’immeuble produisait trop de déblais pour la zone de stockage prévue. La terre a donc été déplacée derrière l’immeuble. Côté rivière, une excavation...
L’analyse de la valeur acquise (EVA)
L’analyse de la valeur acquise (en anglais : earned value analysis, ou EVA), est une méthode d’analyse très simple. Elle permet de savoir en un coup d’oeil si un projet est "dans les clous", en comparant le budget consommé à une date donnée par rapport à ce qui était prévu.
Elle est fondée sur trois paramètres seulement :
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la valeur planifiée (ou VP) : la dépense qui était prévue à une date donnée, cumulée depuis le début du projet.
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le coût actuel (ou CA) : la dépense réelle jusqu’à ce même jour.
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la valeur acquise (ou VA) : la valeur de travail réellement exécuté.
Prenons un exemple concret. Vous avez prévu de dépenser 10 000 € pour finir un projet en 10 semaines. À la fin de la 8e semaine, vous avez dépensé 7 000 €. Vous estimez que le projet est terminé à 50 %.
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la valeur planifiée est de 7 500 € (la dépense cumulée prévue en semaine 8).
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le coût actuel est de 6 000 € (la dépense réelle).
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la valeur acquise est de 50 % de 10 000 €, soit 5 000 €.

Courbes de valeur planifiée et de valeur acquise d’un projet
Dans cet exemple, à...
Gérez les imprévus
Quel que soit votre niveau de préparation et de contrôle, il y aura des problèmes : des retards, une météo capricieuse, des aléas imprévisibles... Les problèmes sur un projet sont comme une fuite d’eau à la maison. Vous pouvez choisir de l’ignorer, mais inévitablement elle ira en s’aggravant, jusqu’à ce que votre charpente finisse par s’effondrer.
L’important pour bien gérer un projet n’est donc pas d’empêcher les problèmes de survenir, mais de les endiguer pour éviter qu’ils ruissellent sur tout votre projet, jusqu’à ce que celui-ci s’écroule. Concrètement, vous pouvez rencontrer trois types d’imprévus au cours du projet.
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Problème |
Description |
Origine |
Exemple |
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Anomalie |
Défaut par rapport au cahier des charges. |
Tests |
Le cahier des charges précise que la voiture doit être rouge, or elle est noire. |
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Demande de changement |
Modification du cahier des charges. |
Expert métier |
Le cahier des charges dit que la voiture doit être rouge, elle est rouge, or on la voudrait verte. |
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Autre souci |
Tout autre problème ayant un impact sur l’objectif du projet. |
Tout un chacun |
La loi a changé et la voiture doit être hydrogène. |
Les trois types d’imprévus sur un projet
Nous avons déjà vu ensemble les anomalies dans la partie consacrée aux tests. Les demandes de changement, en revanche, méritent d’y revenir plus en détail. La première question à se poser est : ce changement est-il vraiment nécessaire ? Relève-t-il de la couleur de l’abri à vélo, comme Parkinson nous l’a enseigné, ou bien de la tuyauterie du réacteur nucléaire ? Utilisez votre hauteur de vue pour relativiser ce qu’il est important d’intégrer immédiatement et ce qui pourra l’être plus tard.
Pourquoi toutes ces précautions avant de modifier le cahier des charges, me direz-vous ? Car gérer un projet est comme piloter...